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KristeletPierre.over-blog.com

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Retrouvez mon univers littéraire et musical : mes humeurs, mes coups de gueule, des infos sur mes romans (Kristel, Martin). Et de temps en temps, une photo.


Mort sur la ville

Publié par Régis Pinguet sur 10 Mars 2024, 18:07pm

Catégories : #Littérature

La ville était sombre, la rue était noire. Le rayonnement de la demi-lune n’arrivait pas à pénétrer dans le dédale de ce pâté de maisons. La plupart des lampadaires avaient été explosés par les délinquants locaux, pour ne pas entraver leurs trafics illicites : ce qui se fume, s’avale, s’injecte, se monnaye. Drogues, armes, sexe, tout y passait. Les façades des immeubles miteux respiraient la misère. Les habitants normaux encore présents, ceux qui étaient dans la légalité, se sentaient prisonniers, trop pauvres pour déménager dans un quartier moins sinistre. Cette économie souterraine ne dérangeait qu’eux. La police et les politiciens ne s’en mêlaient pas, tant qu’il n’y avait pas de vague, ce que les voyous avaient bien intégré. Rarement, une disparition était signalée. Curiosité, querelle de territoire, on ne savait pas, on ne cherchait pas à savoir. Les corps n’étaient jamais retrouvés. Massacre à la tronçonneuse ?

Cette ville fut autrefois prospère. Le travail fut délocalisé en Asie, les usines fermèrent, la misère s’installa peu à peu. Mais de Paris, on ne voyait rien, on ne voulait rien voir ou savoir.

 

Jacques habitait un immeuble sur les hauteurs, l’ancienne ville nouvelle construite vers la fin des années industrieuses. Il dominait les vieux quartiers, protégé mais pas ignorant. Lui aussi était piégé. L’appartement était devenu invendable à un prix décent, et la faible retraite de Jacques ne lui permettait pas de viser mieux. Quand les tirs étaient trop violents, il sortait les boules Quiès, ou se défonçait les tympans en écoutant AC/DC au casque. De temps en temps, un rayon de soleil illuminait sa tristesse, quand Rosalinde venait le rejoindre. C’était alors l’empire des sens, un moment d’abandon et d’oubli.

 

Mais la ville se lézardait de plus en plus, s’effritait dans une indifférence politique totale. Être élu, réélu, c’était toucher de l’argent. Direct ou indirect. Propre ou pas. Alors, la vie des autres… Les soirs de pleine lune, Jacques admirait le ciel, se demandant quand il pourrait s’évader. Le médecin l’avait informé la semaine dernière, cancer métastasé. A quoi bon lutter ? Il avait arrêté toute médication. Il ne savait pas encore comment informer Rosalinde.

 

Une fusillade nourrie éclata, plus intense que d’habitude. Jacques sortit et se dirigea vers le bas quartier. La peur l’avait depuis longtemps abandonné. Il fila droit, à la recherche de la balle perdue. Ils se rencontrèrent et Jacques s’effondra dans le caniveau, ce n’était pas la faute à Rousseau. Un cadavre de plus, une autre vie qui s’en va. Rien ne bougera. L’argent circule, n’est-ce pas ?

Régis, début 2024.

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