Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

KristeletPierre.over-blog.com

KristeletPierre.over-blog.com

Retrouvez mon univers littéraire et musical : mes humeurs, mes coups de gueule, des infos sur mes romans (Kristel, Martin). Et de temps en temps, une photo.


La nuit du renard

Publié par Régis Pinguet sur 6 Août 2020, 21:48pm

Catégories : #Littérature

               Face à ce ciel flamboyant, Romain sortit de sa cabane d’été pour s’enfoncer dans la garrigue. C’était la bonne heure, après l’heure bleue, entre loup et loup. Il quitta très vite le chemin empierré, pour emprunter la trace d’un animal, l’œil aux aguets, l’oreille affutée. La lune gibbeuse descendante jouait à cache-cache avec des gros nuages. Demain risquait d’être pluvieux, autant profiter de cette nuit calme. Lentement, les toutes dernières solaires s’estompèrent. Romain alluma sa petite lampe de poche, pour rester sur la fine piste. Sinon, les épines des buissons sauvages auraient vite fait de déchirer son pantalon et lacérer ses mollets. Pas neufs, mais toujours utiles.

               Romain aimait partir ainsi à l’aventure, une aventure maîtrisée car arpentée depuis une bonne dizaine d’année. Depuis qu’il avait fui la ville, sa pollution, sa violence égoïste, son impersonnalité. Il avait pris l’habitude de venir vivre ici dès les beaux jours, loin de la vaine agitation de la cité. Lorsqu’il faisait trop froid, ou qu’il en avait assez, il redescendait dans son appartement du village voisin. Dans cette vie, il s’était retrouvé et épanoui. Régulièrement il partait au crépuscule, au sein de cette garrigue sauvage rarement foulée par d’autres humains. En quête de liberté, de sincérité, de pureté. Il acceptait que la nature soit sauvage, agressive, mortelle parfois.

               Il avançait à pas mesurés, le temps était sans importance et la lumière si faible. Les odeurs le guidaient, aussi. Sentir et ressentir, s’imprégner, se fondre dans cet univers. Mais où allait-il ? Le savait-il lui-même ? Pas toujours. Il avançait sans réfléchir, attiré comme par un aimant vers un lieu qu’il voulait mystérieux.

               A un moment, la piste virait à droite et attaquait la colline, puis se perdait dans les rochers. L’animal qui l’avait créé ne voulait pas être suivi jusqu’à sa tanière. Alors Romain improvisait. Sa lampe torche lui évitait de marcher sur des pierres instables et de glisser. Une entorse à la cheville, ici et maintenant, ne serait pas la bienvenue. Il atteignit sans encombre le sommet quasi dénudé, et s’assit pour boire un peu d’eau. Devant lui, en contrebas, la combe aux renards. Son instinct l’avait de nouveau conduit sur ce promontoire, qu’il chérissait entre tous. Cette nuit, le vent montait vers lui, évitant de diffuser son odeur dans la combe. Une chance.

               La nuit n’était pas aussi silencieuse que l’on pourrait le supposer. Le lieu était rempli de vie, et chacun y jouait sa partition. Souvent en mode mineur, et il fallait avoir l’ouïe fine. D’autres étaient moins discrets. Romain fut récompensé de ses efforts par le glapissement de plusieurs renards. Il ne bougeait pas, respirait à peine, subjugué. Il était tombé amoureux de cet animal des années auparavant, lors d’une rencontre fortuite. Un face à face dans le cirque du fer à cheval, le renardeau ayant les moustaches tendues vers son sandwich au jambon cru.

               Peu à peu les nuages se dissipèrent, laissant la pâle lune sculpter le paysage. Une étoile filante stria un instant la voute céleste, détournant l’attention de Romain. Il reprit vite son observation de chaque monticule rocheux, de chaque buisson. Le temps existait-il encore ? Il n’était ici qu’une abstraction. Jusqu’à la récompense. Deux yeux qui luisent à quelques mètres. Depuis quand était-il là ? ils se regardèrent, immobiles. Le renard acceptait sa présence bienveillante, pourvu qu’il n’avançât pas plus. Quand il vit l’animal se lever, il comprit que c’était une femelle. Auprès d’elle, un petit déjà vaillant. Romain eut l’impression qu’elle voulait lui présenter. Il leva lentement la main grande ouverte. La renarde donna un léger coup de tête à son enfant, et ils descendirent paisiblement vers le ravin.

               Combien de temps a-t-il dormi ? A l’est, les premières lueurs rougeâtres apparaissaient. Romain se rappela la renarde et son petit. Rêve ou réalité ? Il ne savait plus. Etait-ce vraiment important ? Il aura toujours cette image en tête, ce partage. Il entreprit de redescendre. Au premier buisson, il découvrit une touffe de poils roux, comme accrochée là volontairement. Il la mit dans sa poche. La nuit du renard…

 

Régis, 06/08/2020

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Articles récents